EHPAD : Contrat de séjour et Loyers impayés – retour sur la nullité du contrat de séjour

Cour d’appel de Paris, Pôle 4 Chambre 10, 15 décembre 2022 n°19/03268

Si la fin d’une chose vaut mieux que son commencement, il n’est pas certain que tel soit le ressenti de la société ORPEA, récemment condamnée à indemniser une ancienne résidente, après le prononcé de la nullité du contrat de séjour par la Cour d’appel.

A l’origine de l’affaire, une demande de paiement de loyers impayés émise par la société ORPEA à l’encontre d’une ancienne résidente de l’EHPAD géré par la société. Face au refus de sa requête en injonction de payer, la Société ORPEA a assigné cette ancienne résidente en paiement devant le Tribunal de Grande Instance (aujourd’hui Tribunal judiciaire) de Paris.

L’ancienne résidente justifiait son refus de verser les sommes réclamées par l’absence de contrat d’hébergement signé et un acquiescement verbal au seul coût de l’hébergement journalier. A titre reconventionnel, l’intéressée a réclamé le remboursement d’un trop perçu, ainsi que la condamnation du gestionnaire de l’EHPAD à l’indemnisation de divers préjudices qu’elle aurait subi durant toute la durée de son séjour dans l’établissement.

En première instance, le Tribunal déboute la société ORPEA et donne partiellement satisfaction aux demandes de l’ex-résidente (le total des sommes à verser avoisine à l’époque 76 000 €, hors article 700 du Code de procédure civil retenu à 6 000 €). Les deux parties ont souhaité faire appel, au prix de condamnations plus sévères pour ORPEA (le total des sommes à verser avoisine les 473 100 €, hors article 700 du Code de procédure civil retenu à 7 000 €).

La Cour d’appel a en effet prononcé la nullité du contrat de séjour au motif d’une violation des règles d’ordre public contenues dans le Code de l’action sociale et des familles à savoir l’obligation de signer un contrat de séjour !

Le moyen de la prescription a été soulevé en vain par la société ORPEA, puisque la Cour d’appel de Paris a considéré que la prescription avait été suspendue par l’effet d’un cas de force majeur.

Cette force majeure est constituée selon la Cour par l’état de vulnérabilité de la personne âgée et sa dépendance totale aux personnels de l’EHPAD au jour de la conclusion du contrat.

Quel enseignement à tirer de cet arrêt ?

Premièrement, la proclamation du caractère d’ordre public de l’obligation de conclure un contrat lorsqu’on entend héberger des personnes âgées (L.342-1 du Casf à l’époque des faits). La conséquence de ce constat est clairement rappelée à l’article 6 du Code civil : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs. ».

Deuxièmement, le décompte de la prescription et la suspension pour force majeure au regard de l’état de vulnérabilité manifeste du cocontractant. Cette position fait implicitement écho à la nécessité de s’assurer le consentement clair du futur résident.

Sans doute devra-t-on être vigilent à l’éventuel pourvoi en cassation formé par la société ORPEA. Dans ce cas, il reviendrait à la Cour de cassation d’infirmer ou de confirmer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris dont la sévérité à l’égard du gestionnaire trahirait par ailleurs, une volonté des juges de rappeler l’obligation d’assurer une prise en charge digne des personnes vulnérables.